SIPC20 #1 : le salon du patrimoine culturel, une référence du secteur
Toute l’équipe de Mon cher Watson était ravie de travailler sur un nouveau partenariat : le Salon du Patrimoine Culturel qui se tient traditionnellement tous les ans fin octobre au Carrousel du Louvre.
Mais 2020 a encore frappé et l’édition physique a malheureusement dû être annulée fin septembre. Qu’à cela ne tienne ! Watson ne se décourage pas pour autant et a décidé quand même de vous présenter cet événement de référence pour les acteurs du secteur du patrimoine culturel.
Et oui, on ne pouvait pas renoncer à vous parler du thème qu’ils avaient choisi de développer : “Patrimoine et Territoires”. Si vous nous suivez depuis longtemps, vous savez à quel point ces problématiques nous tiennent à cœur.
Alors, nous avons donné la parole à Aude Tahon, présidente du syndicat professionnel des métiers d'art Ateliers d’Art de France, organisateur du salon.
Quel rôle ont les salons dans la vie des professionnels de la culture ? Quel impact a le patrimoine et les métiers d’art sur le développement économique des territoires ? Que se passera-t-il sur l’édition digitale du salon 2020 ?

- Bonjour Aude, pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel et votre rôle au sein de Ateliers d’Art de France ?
J’ai commencé par suivre un parcours universitaire en anthropologie. Le textile me passionnait et c’est d’abord par l’approche théorique que j’ai découvert son langage symbolique, la diversité des techniques et de ses modes opératoires, depuis les ikat indonésiens en passant par les textiles kuba du Zaïre. Puis, j'ai voulu faire : teindre, plier, plisser, coudre, tisser, nouer ! J’ai suivi une formation en modélisme, puis intégré l'École Duperré en DMA tissage. J’ai d’abord travaillé en tant que salariée. J'organisais les plans de collections textiles et le suivi de production. Parallèlement, je développais mes propres recherches et j’ai découvert le « maedup » grâce à l’artiste coréenne Kim Sang Lan, qui m’a transmis ces techniques spécifiques de nœuds. J'ai ensuite créé mon entreprise afin de répondre à des commandes pour le prêt-à-porter de luxe et le costume de spectacle, tout en développant mes propres créations en nœuds. En 2005, j'ai obtenu le Grand Prix de la Ville de Paris dans la catégorie Métiers d'art débutant. Puis Le Prix Jeune Créateur d’Ateliers d’Art de France qui m'a permis d'exposer à Maison&Objet. C'est sur ce salon que j'ai découvert une vraie communauté d'artisans d'art. En 2007, j’ai adhéré aux Ateliers d'Art de France. Je me suis rapidement engagée sur le terrain. Je suis devenue administratrice puis tout s'est enchaîné.
Le secteur des métiers d’art en France connaît une situation singulière : les professionnels se sont organisés pour accéder à leurs marchés et ont su développer un outil formidable, Ateliers d’Art de France, entièrement dédié au développement économique, à la reconnaissance et à la construction du secteur, au bénéfice des milliers d’ateliers d’art exerçant sur le territoire national.
J’ai choisi de mettre mon énergie au service d’une identité collective, celle que je défendais jusqu’alors seule dans mon atelier, afin de veiller à ce bien commun, garantir notre développement collectif et faire exister le secteur de métiers d’art.

- Quelle est l’histoire du Salon International du Patrimoine Culturel (SIPC) ? Quelle place a-t-il dans le secteur culturel aujourd’hui ?
Le Salon International du Patrimoine Culturel a été fondé en 1994 par Pierre Chevalier, Président du Salon du Patrimoine et Président de la SEMA (devenue Institut National des Métiers d’Art) pendant 14 ans. Le salon s’est développé sous la conduite de Jean-Pierre Jouet, qui fut le fondateur avec sa société OIP des salons culturels français, tels que la Biennale des Antiquaires, la FIAC, le Salon du Livre, le Salon Nautique, et bien d’autres.
La transmission a été assurée en 2009 lorsque Ateliers d’Art de France a repris, à l’initiative de mon prédécesseur Serge Nicole, le Salon du Patrimoine Culturel, à l’occasion de la réunification au sein d’Ateliers d’Art de France de la famille des métiers d’art, la Création et le Patrimoine.
Notre but a été de poursuivre l’action engagée, veiller au développement du salon et insuffler une nouvelle dynamique, cela dans le cadre d’un bien collectif qui appartient à la profession, au service des acteurs du Patrimoine.
Au fil des ans, à travers les thématiques traitées chaque année lors du salon, le SIPC est devenu, sous mon impulsion, le principal lieu de réflexion sur le secteur du patrimoine : ses enjeux, son actualité, ses défis... Aujourd’hui, il est le grand rendez-vous annuel de tous les acteurs du Patrimoine. Il reste sans équivalent dans le monde, témoin et signe de la force des métiers d’art et du Patrimoine en France. Le salon accueille chaque année près de de 40 conférences et table-rondes animées par des experts du secteur.
En 2019, nous avons fêté les 25 ans du salon avec un nombre record d’exposants accueillis. 380 exposants représentant plus de 40 spécialités de métiers différents : institutions et collectivités, associations, manufactures, artisans d’art, entreprises et fournisseurs du patrimoine bâti, start-ups ou encore médias spécialisés.
2020 est une année particulière, nous y reviendrons plus loin, avec une version digitale du Salon du Patrimoine, dédiée aux défis d’actualité du salon et de la profession face à la crise sanitaire qui secoue le pays.

- En quoi votre salon est-il un événement majeur de la vie des professionnels du patrimoine culturel ?
Au fil de ses 26 années d’existence, le SIPC est devenu un événement de référence et confirme sa place de carrefour économique et de rencontre des acteurs incontournables du patrimoine dans toute leur diversité.
Il a aujourd’hui un rôle fédérateur et réunit tous les secteurs de la vie patrimoniale : restaurateurs et entreprises d’art, prescripteurs et maîtres d’œuvre, collectivités territoriales et institutionnels, associations, écoles, éditeurs, presse… Près de 40 domaines d’activités sont représentés au salon à travers : des ateliers de restauration et de création, des entreprises liées au patrimoine bâti, des associations/fondations, des titres de presse, libraires, éditeurs, des chambres consulaires, des écoles et centres de formation, des collectivités locales, des musées ou encore des institutions publiques. Parmi ces activités, les métiers d’art et le patrimoine bâti représentaient 69 % des exposants de l’édition 2019.
Le salon leur permet tout d’abord de rencontrer de nouveaux clients et des visiteurs qualifiés, et prendre des commandes. En moyenne, le CA réalisé sur le salon représente 9,6% du CA annuel des exposants et pour 17% d’entre eux plus d'1/5ème de leur CA annuel (Source : enquête 2019 SESA marketing)
Nous comptons parmi nos partenaires historiques des institutions et médias tels Sites et Cités Remarquables, Petites Cités de Caractère, Architectes du Patrimoine, Patrimoine-Environnement, Vieilles Maisons Françaises (VMF), La Demeure Historique, Atrium patrimoine et restauration qui s’impliquent chaque année à nos côtés, et tout particulièrement ces derniers mois qui nous ont amenés à prendre la parole collectivement auprès du Ministère de la Culture en avril et mai 2020.
Un dialogue renforcé s’est également construit avec des organismes tels que l’INRAP, l’OPPIC, le Centre des Monuments Nationaux ou encore des écoles et centres de formation au cours des dernières année.
Parce que nous partageons la passion du patrimoine, nous avons choisi ce partenariat avec Mon cher Watson pour explorer davantage les enjeux du secteur patrimonial à travers cette série d’enquêtes.
Notre rôle et nos actions dans le secteur du patrimoine vont au-delà du Salon International du Patrimoine Culturel. En tant qu’organisation professionnelle, Ateliers d’Art de France réunit, à travers notamment sa commission professionnelle dédiée au patrimoine, la diversité des acteurs du secteur (professionnels, architectes du patrimoine, présidents d’associations et de groupements d’entreprises) afin d’émettre les problématiques et besoins issus du terrain et mettre en œuvre les actions pour veiller sur le secteur des métiers d’art et du patrimoine.

- Avec la crise sanitaire, l’édition 2020 physique a été annulée, vous aviez décidé de mettre en avant un thème fort : “Patrimoine et Territoires”. Pourquoi ?
En effet, nous avons annoncé ce thème dès la clôture de l’édition 2019 du salon. Ce sujet a été abordé sous différents angles au cours des 10 dernières années mais il reste toujours aussi pertinent.
Qu'il soit matériel ou immatériel, bâti ou non bâti, le patrimoine culturel joue un rôle essentiel en faveur du développement des territoires. Il est à la fois le reflet de l’identité de nos territoires de par sa valeur historique, sociétale et culturelle, et un levier majeur de dynamisme économique et de développement durable des territoires. Le secteur représente 44 000 monuments historiques et sites protégés, ainsi que plus de 500 000 emplois non délocalisables en France. Les métiers d’art et du patrimoine, garants de la préservation et la transmission de ce bien collectif participent aussi au dynamisme et à la vitalité des territoires. Ils représentent en France plus de 38 000 ateliers et 60 000 emplois non délocalisables répartis au cœur de nos territoires, et génèrent près de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
La crise sanitaire associée à l'épidémie de Covid-19 nous a rappelé une fois de plus l'importance du patrimoine dans la vie de nos territoires, son rôle économique et social déterminant. Le rapport de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat dévoilé au mois de mai, les recommandations du groupe de travail « Patrimoine » de la Commission de la Culture et le plan de relance pour la culture de deux milliards d’euros annoncé par le gouvernement le 3 septembre dernier, qui comprend une enveloppe de 614 millions d’euros pour le patrimoine, en sont des preuves.
Si nous saluons l’ampleur inédite de ce plan, nous regrettons que ces fonds soient réservés à un nombre restreint de monuments, chacun mobilisant une part importante de ces fonds, et qu’aucun plan global n’ait été défini pour l’ensemble des territoires, en vue de soutenir les professionnels des métiers d’art ébranlés par cette situation de crise.
Nous maintiendrons ce thème pour la prochaine édition du salon qui se déroulera du 28 au 31 octobre 2021.

- Les annulations d’événements se multiplient malheureusement. Quel est l’impact de cette décision difficile à prendre ?
De nombreux salons et événements professionnels qui constituent le principal moyen d’accès aux marchés pour les professionnels métiers d’art et du patrimoine, n’ont pu se tenir cette année, les privant de la rencontre vitale avec les acheteurs, partenaires et passionnés. Au sein de son propre réseau, Ateliers d’Art de France a recensé depuis le mois de mars plus de 200 événements annulés, soit près des deux tiers de la moyenne annuelle.
Si le contexte sanitaire a empêché la tenue physique de cette 26e édition du Salon International du Patrimoine, Ateliers d’Art de France a souhaité maintenir le lien entre les professionnels et la communauté du Patrimoine, et mettre en valeur les savoir-faire et le travail de tous ceux qui œuvrent au quotidien pour la préservation de ce bien national.
Dans cette perspective nous avons mis en place un rendez-vous digital du Patrimoine, qui se déroulera du 28 au 31 octobre 2020 sur le site Internet du salon.
Les acteurs du secteur pourront y visiter des ateliers d’art, découvrir des vidéos de chantiers, des monuments exceptionnels, les lauréats 2020, ou encore accéder à des portraits d’exposants, ainsi qu’à un programme de conférences thématiques dédiées aux grands enjeux d’aujourd’hui du Patrimoine.
Le patrimoine et les métiers d’art appellent une rencontre physique avec les œuvres et les matières, c’est pourquoi nous savons qu’une édition digitale ne remplace pas la tenue d’un salon. Toutefois, il nous a semblé essentiel de rendre visibles les hommes et les femmes engagés au quotidien à faire vivre les trésors de nos territoires.
Ce rendez-vous digital est aussi l’occasion, pour Ateliers d’Art de France, ainsi que pour les acteurs du patrimoine, de prendre la parole pour aborder les défis majeurs d’aujourd’hui au cœur de l’actualité du patrimoine, et de dresser un état des lieux au cœur de cette crise, notamment à travers le Forum du patrimoine, un cycle de conférences en ligne que je vous invite à découvrir.

Merci Aude d’avoir répondu à nos questions et présenter avec autant de passion les métiers d’art et le secteur du patrimoine en France. Merci également à Ulkar Muller pour son aide précieuse dans la réalisation de cette interview.
Nous vous donnons rendez-vous dans quelques semaines pour une deuxième enquête en partenariat avec le Salon International du Patrimoine et fin octobre 2021 pour la prochaine édition physique du salon !
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Edition 2020 en ligne
Pour accéder à la version digitale du salon : C’EST PAR ICI !
Conférences, visites d’ateliers, articles de presse, remise des prix, les équipes du SIPC et ses partenaires ont travaillé d’arrache-pied ces dernières semaines pour porter la parole du secteur du patrimoine culturel dans ces temps difficiles.
Parmi les partenaires du salon, au côté de Mon cher Watson : Sites et Cités Remarquables, Petites Cités de Caractère, Architectes du Patrimoine, Patrimoine-Environnement, Vieilles Maisons Françaises (VMF), La Demeure Historique, Atrium patrimoine et restauration, l’INRAP, l’OPPIC, le Centre des Monuments Nationaux et bien d’autres !

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