Aurélie R.
Influenceurs : à la croisée de la communication et de la médiation culturelle
Communication et médiation culturelle, deux spécialités opposées ? Ce n'est pas l'avis de l'équipe de Mon cher Watson !
Et notre rencontre avec Camille Jouneaux nous conforte dans notre conviction. Connaissez-vous Camille, créatrice de La Minute Culture ? Sur Instagram, tous les lundis, elle nous partage l'histoire d'une œuvre, d'un.e artiste, d'un monument. Cette passionnée d'histoire et d'histoire de l'art utilise les réseaux, et particulièrement Instagram pour partager ses connaissances, ses découvertes, ses coups de cœur. Depuis 2018, son compte est passé de projet amateur a véritable profession.
Mais peut-on vivre uniquement en faisant des posts sur les réseaux sociaux ? La réponse est non. En revanche, c'est un véritable tremplin pour travailler avec bons nombres d'institutions culturelles allant du musée à la chaîne de télévision. Camille leur apporte son audience mais également ses compétences en storytelling, sa parfaite connaissance de l'univers des réseaux sociaux et surtout de leurs utilisateurs. Ces outils de communication deviennent alors de véritable outils de médiation culturelle.
Comment l'expérience de Camille Jouneaux et de La Minute Culture peut-elle nous (dé)montrer la véritable communion entre deux métiers que l'on opposait jusque là : communicant et médiateur.trice culturel.le ?

- Bonjour Camille, peux-tu nous présenter ton parcours professionnel et ton métier d’aujourd’hui ?
J’ai un master en communication. J’ai passé 10 ans en agence de communication spécialisée dans les réseaux sociaux, en tant que consultante. En parallèle de mes activités professionnelles, je me suis passionnée pour l’histoire de l’art (visites de musée, cours, lectures...) à tel point d’avoir l’envie d’en faire mon métier. N’ayant aucune expérience dans ce domaine, j’ai d'abord commencé par monter un premier blog de critiques d’expositions pour me créer une première référence. Grâce à ça, mon agence m’a confié une mission pour Google Arts & Culture, où je fus social media manager pendant 3 ans. J'ai appris beaucoup dans cette mission, mais j’avais d’autres envies, plus créatives. Alors, j’ai commencé à créer des stories Instagram sur mon compte personnel qui m’ont permis de décrocher de premières missions en freelance avec ARTE. Motivée par un nouveau champ des possibles, j’ai quitté mon CDI et je suis devenue autrice/créatrice de contenu.
Désormais maîtresse de mon temps, j’ai pu créer un nouveau compte Instagram pour diffuser mes stories et j’ai appelé ça : La Minute Culture.

- Tu as donc créé La Minute Culture pour le plaisir de partager tes découvertes. En quelques années, tu as dépassé les 119K abonnés. Qu’est-ce qui explique ce succès, d’après toi ?
Je pense que j’ai fait ce dont j’avais envie, sans me soucier de savoir si les contenus seraient performants ou pas. C’est vraiment la passion, l’envie du partage, le goût de la transmission qui m’ont guidée plus que la recherche d’audience.
Ça, c’est LE grand principe général qui donne du sens à ce que je fais. Après, cette envie-là est venue s’appuyer sur un socle de connaissances et de compétences en community management acquises pendant mes précédentes expériences et qui me permettent d’expliquer un peu plus rationnellement pourquoi mon compte a pris cette ampleur.
D’abord, le format. Exploiter les stories pour en faire un format si long, ça n’existe pas vraiment à l’apparition de la Minute Culture. Le ton, très décalé, était assez nouveau pour le secteur culturel. Je pense que j’ai réussi à montrer qu’on pouvait, sur Instagram, tenir un propos culturel exigeant tout en étant divertissant dans la forme. Enfin sa diffusion hebdomadaire a permis de créer un rendez-vous attendu par les gens.
Ensuite, ma très bonne connaissance professionnelle des réseaux sociaux m’a permis d’optimiser le lancement du compte. J’ai "storytellé" mon histoire pour en faire un objet partageable. J’ai raconté ma reconversion, c’était un chemin inspirant pour beaucoup de gens à une époque où beaucoup cherchent leur voie. J’ai pu m’appuyer sur mon réseau professionnel très présent sur Twitter notamment et qui a largement partagé l’annonce de la création de mon compte. Et j’ai enfoncé le clou en envoyant un communiqué de presse à quelques médias ciblés qui ont repris l’information et ont aidé à la notoriété du compte.
- La vulgarisation culturelle et scientifique sur les réseaux sociaux connaît un véritable succès depuis quelques années. Pourquoi ?
Les réseaux sociaux sont des carrefours d’audience sur lesquels le public, notamment jeune, est présent en masse. Ils sont donc un canal tout choisi pour faire venir les gens à la culture. Par ailleurs, ces espaces sont des laboratoires permanents de créativité avec des fonctionnalités conversationnelles et virales qu’on peut exploiter ou détourner à loisir pour se mettre en scène ou mettre en scène ses propos de façon engageante. Effectivement, cela veut dire que pour en être, il faut savoir se plier aux règles du jeu et non l’inverse.
Les institutions culturelles y ont appris à être un peu plus flexibles pour s’intégrer aux échanges et elles y ont gagné.

- Comme beaucoup d’autres créateurs de contenu, tu travailles en collaboration ou en marque blanche avec des institutions culturelles. Qu’est-ce que tu apportes aux musées/institutions dans leur stratégie de médiation culturelle et de communication ?
Pour celles qui ont des petits comptes, je leur apporte mon audience, bien sûr, mais l’enjeu tourne plutôt autour de l’image et l’engagement. Jje pense qu’on vient me chercher pour mon écriture décalée. Étant une créatrice de contenu, je peux m’autoriser une liberté de ton que les institutions n’ont pas forcément, ou qu'elle ne s'autorise pas forcément. Utiliser un créateur de contenu sur les réseaux sociaux pour prendre la parole, permet de se dégager d'une certaine forme d'expression classique. Avec ces discours, très calibrés pour la cible jeune présente sur les réseaux sociaux, ils peuvent séduire de nouveaux publics, s’intéresser à des sujets qui peuvent parfois paraître difficiles d’accès...
De mon côté, je suis ravie car cela me donne l’opportunité d’échanger avec des experts dont j’apprends plein de choses !
- As-tu des comptes à conseiller aux lecteurs de Mon cher Watson ?
Il y en a plein ! Parmi les institutions, j’aime suivre le musée de Cluny sur Twitter et sur Instagram, ils essaient souvent plein de choses et ils parviennent à engager leur communauté en inventant leurs propres formats. (Ndlr : félicitations à Aline Damoiseau pour sa créativité !)
Sinon, je vous conseille de suivre Sarah Belmont, Hugo, Mr Bacchus, Culturez-Vous, Margaux Brugvin, Match With Art, l’équipe de Coupe-File Art…, des comptes qui m'inspirent dans mon travail, et des personnalités que j'aime aussi fréquenter dans la vraie vie.
Merci Camille d'avoir accepté de répondre à nos questions !
Crédit photo du portrait de Camille : Clément Chapillon
Lire l'interview d'Antoine Vitek de Culturez-Vous par Mon cher Watson

Suivre Camille et ses découvertes culturelles :
Pour aller plus loin :
comprendre la création de La Minute Culture avec le podcast Tribu Indé "Trouver des clients dans un secteur fermé grâce à Instagram" où Camille Jouneaux explique son parcours professionnel
Camille est également autrice. Elle a publié "La story de la table ronde" aux Editions Larousse
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