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Quand la création artistique rencontre la recherche universitaire

Les musées et salles de spectacles ont rouvert leurs portes depuis le 19 mai 2021. Après près de 9 mois cumulés de fermeture en 2020/2021, le monde de la culture et particulièrement le spectacle vivant a dû apprendre à se diversifier, à inventer des modes de créations et de contacts avec le public en dehors d'une présence physique dans un lieu unique.

Aller lire nos enquêtes spéciales auprès des professionnels de la culture pendant les confinements

On a tous vu un concert live ou en streaming sur les réseaux sociaux, vu des vidéos de danseurs ou d'artistes partageant des écrans partagés, des cours d'activités artistiques ou sportives via écran interposés.


C'est dans ce contexte que Julien Daillère, auteur, acteur, metteur en scène, docteur en arts de la scène, responsable artistique de la Compagnie La TraverScène, a créé l'association La Marge Heureuse.

Son idée ? Créer les conditions idéales pour explorer la pratique artistique, notamment dans le spectacle vivant, dans toute sa diversité : milieu urbain ou rural, en présentiel ou à distance, en France ou dans d'autres pays européens... L'association rassemble des professionnels et étudiants issus du monde artistique, culturel et universitaire mais aussi des acteurs de secteur professionnels très éloignés : santé, industrie, architecture ou encore ressources humaines.


Une nouvelle façon de tester, expérimenter mais aussi faire le théâtre, qu'il nous explique ici.



Portrait Julien Daillère - crédit photo Bertrand Boullard

- Bonjour Julien, pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel et votre métier d’aujourd’hui ?


Après un MBA à l’ESSEC en parallèle d’activités théâtrales en amateur, j’ai finalement choisi de faire de ma passion un métier. J’ai suivi différents cours de théâtre, notamment auprès de Patricia Koseleff. C'est elle qui me en scène “Les contes de la petite fille moche”, que j'ai écrit et joué pendant quelques années. C'est pour monter ce spectacle que la compagnie de spectacle vivant La TraverScène a été créée et continue de produire mon travail depuis 2006. Après dix ans à travailler comme auteur, comédien et metteur en scène dans le circuit traditionnel en France, j’ai éprouvé le besoin de faire une pause. J’ai donc repris mes études avec un doctorat en arts du spectacle à l’Université des Arts de Târgu-Mures, en Roumanie, en co-tutelle avec CY Cergy Paris Université. J’ai soutenu ma thèse en 2018, alors que je venais de créer mon premier “solo coopératif” : "C’est bon. E ok. Rendben. This is just a story", un spectacle conçu pour être proposé dans des lieux non équipés, en impliquant les spectateurs et les spectatrices pour la réalisation de certains effets scéniques. C’est depuis la création de ce spectacle à la Fabrica de Pensule de Cluj-Napoca (Roumanie) et sa tournée binationale dans le cadre de la Saison France-Roumanie 2019 que je me suis passionné pour les rapports entre "centres" et "marges", c'est-à-dire en théâtre "institutionnel" et pratiques nouvelles.



- Vous avez créé l’association La Marge Heureuse au début de l’année 2021. Quel est le contexte de sa création ? Et ses ambitions ?


L’idée d’une marge heureuse est avant tout de continuer une recherche entamée en 2018 sur les rapports qu’entretiennent les centres et les marges en général, et dans les arts en particulier. Cette recherche persiste, avance, notamment grâce au soutien d’Anis Gras, le Lieu de l’Autre, à Arcueil. Elle s’incarne dans différentes actions et programmes qui poursuivent des pistes différentes et complémentaires. Préalablement portée par l’association La TraverScène, il a été décidé de créer une association distincte de la compagnie pour porter ces projets de recherche.

C’est ainsi qu’est née l’association La Marge Heureuse, domiciliée dans les locaux d’Anis Gras, le Lieu de l’Autre et avec son soutien. Elle a pour ambition de participer à la réflexion collective, de mettre en place des actions concrètes pouvant aider à l’amélioration des rapports entre les centres et les marges, et d’ouvrir une forme de tiers-lieu thématique afin d’accueillir et de diffuser d’autres initiatives également en lien avec ce sujet.


Logo La Marge Heureuse

- Vous travaillez sur deux axes de recherches : des dispositifs d’accueil public covid-compatibles en coprésence et le développement d’œuvres scéniques (hybrides coprésence/distanciel), en multicanal, interactives. Pouvez-vous nous expliquer ?

Ces deux pistes de travail correspondent aux axes de recherche et d’expérimentation du programme « Avoir Lieu », dont j’ai posé les bases à l’automne 2020. Je travaillais depuis plusieurs mois sur des formes alternatives de spectacle vivant afin de dépasser les contraintes de la crise sanitaire, principalement grâce à l’audio du téléphone. J’observais également d’autres artistes faire preuve de créativité par la mise en place de dispositifs jusqu’alors marginaux ou en tout cas inhabituels pour le grand public, apportant ainsi des pistes de réponses concrètes à des enjeux dépassant la seule crise, comme notamment le lien avec les personnes en situation de handicap, la fracture numérique, le besoin de remettre la relation humaine au cœur des pratiques artistiques, etc...

J’ai donc souhaité rassembler différentes personnes pour créer un élan collectif et aller plus loin dans ces recherches qui étaient souvent éphémères, menées avec des moyens précaires, et généralement invisibilisées par rapport aux quelques alternatives proposées par des institutions, lieux et artistes plus en vue.


Théâtre Julien Daillère - crédit photo Roland Vaczi


- Vous allez mener et tester ces recherches et expérimentations dans des lieux partenaires en 2022. Quels sont les objectifs ? Pourrons-nous aller voir un spectacle ?


L’année 2021 est une année de structuration et de sensibilisation à ce programme, pour nous permettre de trouver les moyens de le réaliser pleinement en 2022.

Aux côtés de Pauline Vigey, consultante, et d’un comité de pilotage composé d’artistes et d’universitaires, je souhaite attirer l’attention sur l’intérêt de faire un état des lieux des pratiques artistiques qui ont émergé pendant la crise sanitaire. C’est à la fois un travail mémoriel car ces pratiques témoignent d’un vécu collectif. Mais c’est aussi une démarche patrimoniale visant à faire connaître ces multiples pratiques pour encourager, d’une part, les artistes à s’en saisir et, d’autre part, les lieux, les institutions, les médias, etc. à les soutenir.

L’exploration de ces différentes pistes est nécessaire afin qu’elles puissent pleinement prendre la place qu’elles méritent dans le paysage artistique : pour participer au renouvellement des formes esthétiques et aussi pour développer de nouvelles relations avec les publics. C’est la raison pour laquelle nous mettrons en place des sessions de recherches et d’expérimentations sur 6 jours dans différents lieux partenaires en 2022, afin de proposer à des artistes de travailler en laboratoire avec des personnes issues d’équipes de médiation et du milieu universitaire. A l’issue de ces sessions de travail, le public sera invité à tester les dispositifs résultant de ces recherches, présentés sous la forme d’esquisses de spectacles.


téléperformance Julien Daillère
Janvier 2021 : téléperformance de Julien Daillere - Crédit Claire Valadou


- Mener des recherches conjointes entre professionnels du théâtre (compagnies, acteurs, directeurs de salles, etc…) et des universités ou laboratoires de recherches plus “académiques” (universités de Clermont-Ferrand et Paris VIII, EHESS, ...), est-ce essentiel pour faire avancer ces projets ?

Une véritable dynamique de recherche-création, alors même qu’elle est régulièrement plébiscitée de part et d’autre et qu’elle fait l’objet de discours convaincants, est encore aujourd’hui très difficile à mettre en place pour de multiples raisons. L'une des raisons majeures est l’incompatibilité du régime de l’intermittence du spectacle avec le mode de rémunération qu’implique une activité de recherche déconnectée de la création d’un spectacle.

En ce qui concerne le programme « Avoir Lieu », il est d’autant plus pertinent de faire se rencontrer la théorie et la pratique que les formes alternatives esquissées pendant la crise sanitaire ont encore besoin d’être développées de manière très pratique – ce à quoi peut contribuer une approche ethnographique issue de la recherche universitaire. C’est seulement ainsi que seront pleinement identifiées les opportunités qu’offrent ces formes et dispositifs en matière de création artistique, de relation avec les publics et de modèle économique. C’est ce qui permettra aussi qu’elles soient mieux perçues dans leurs spécificités et leurs similarités avec l’existant, et donc précisément nommées, car le vocabulaire existant aujourd’hui ne suffit pas et son usage est loin de faire l’unanimité – il suffit de penser aux débats actuels quant à l’utilisation des termes « coprésence », « présentiel », « présence physique », etc. sans parler des termes désignant les œuvres elles-mêmes en fonction des dispositifs à travers lesquels elles sont mises en place.


C'est pourquoi, nous invitons toutes les personnes intéressées, quel que soit leur parcours ou leur profil, à nous contacter et à nous rejoindre sur www.lamargeheureuse.com


La Marge Heureuse - crédit photo Benjamin Trouche


Merci à Julien Daillère d'avoir accepté de répondre à nos questions !



 

Pour en savoir plus sur le programme de recherche et d'expérimentation de La Marge Heureuse :


 
Emilie Lebel - Des regards en Miroir

Lire d'autres enquêtes de Watson sur le spectacle vivant ou sur la rencontre en monde universitaire et société civile

Lire l'enquête précédente : "Au croisement de l'art, de l'éducation et de la philosophie"


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