Vie de château ou vie de châtelain à Montpoupon
Parmi les châteaux de la Loire, on connaît Chambord, Chenonceau, Azay-le-Rideau ou Villandry. Mais la Vallée des Rois comporte bien d'autres petits monuments, souvent privés, qui regorgent d'éléments exceptionnels, de petits trésors cachés...
C'est le cas du château de Montpoupon. Un peu à l'écart de la route touristique qui longe la Loire, ce château privé est ouvert au public depuis plus de 40 ans. Outre des pièces du château, il propose également aux visiteurs un musée du veneur en pleine restructuration.
Mon cher Watson a voulu en savoir plus sur son histoire, les avantages et contraintes de l'ouverture au public et l'implication de son châtelain, Amaury de Louvencourt, dans le dynamisme territorial du Val de Loire.

- Bonjour Amaury, pouvez-vous me présenter votre parcours professionnel ainsi que votre lien avec le château ?
Expert en peinture agréé auprès de la Cour d'Appel de Paris, j'ai ouvert ma propre galerie, La Cymaise, à Paris en 1976, où je m'attache à promouvoir et exposer des œuvres d'artistes animaliers. Je suis également un grand passionné de vénerie.
J'ai reçu en héritage le domaine de Montpoupon, en Touraine, de ma tante Solange de la Motte Saint Pierre. Dès lors, je n’ai eu de cesse de faire découvrir et mettre en lumière ce patrimoine exceptionnel. Depuis 2 décennies, j'ai entrepris de redonner au château tout son lustre et de remettre en scène les temps fort de son histoire, au travers des nombreuses pièces meublées ouverte à la visite.

- Château privé dans la même famille depuis 1857, Montpoupon est ouvert à la visite depuis 1971. Quels étaient les enjeux pour Melle de la Motte Saint Pierre lors de la première ouverture au public ? Ont-ils changé 40 ans plus tard ?
Au départ, ma tante souhaitait montrer la vie dans ces grandes maisons mondaines du Val de Loire. C'est le début du tourisme, et ouvrir les châteaux au public est une nouveauté. A l'époque, seules deux pièces du rez-de-chaussée du château et une pièce du musée du veneur (dans les communs) sont ouverts. Elle avait également créé des gîtes ruraux. L'ouverture au public était motivée par l'envie de partager ce patrimoine, d'expliquer la vie des habitants et mettre en valeur la vénerie. Autrefois, la chasse à courre était un divertissement et créait du lien social.
Avec le temps, nous avons ouvert de nouvelles salles du château, sur 3 étages. L'ouverture est devenue un enjeu financier car cela demande de l'entretien pour accueillir les visiteurs dans de bonnes conditions. Les gains de billetterie payent les emplois nécessaires pour l'accueil ainsi qu'une partie de l'entretien de la maison. Nous avons un besoin d'équilibre mais les recettes ne couvrent pas tous les frais. Nous allons par exemple faire appel à du crowdfunding pour de prochains travaux de valorisation du site.

- Depuis 3 ans, vous avez beaucoup travaillé sur l'attractivité du château qui atteint les 20 000 visiteurs/an. Quels moyens avez-vous mis en place et pourquoi ?
Depuis 2005, les visites se font librement dans le château. Une bande sonore se déclenche automatique à l'entrée d'un visiteur dans la pièce pour lui expliquer l'histoire du château et les pièces remarquables à voir. Mais depuis quelques années, nous avons effectivement beaucoup travaillé la qualité de l'accueil en repensant complètement notre offre touristique. Nous avons obtenu le Label Qualité Tourisme en 2011. Cela nous a forcé à réfléchir sur les horaires d'ouverture et notre communication, mais aussi beaucoup d'autres points aussi diverses que le site Internet, l'accueil multi-langue, la signalétique, le parking ou les sanitaires. Autant de points qui nous ont permis d'améliorer grandement la satisfaction du visiteur et ainsi de franchir la barre des 20 000 visiteurs.
En 2015, suite à un audit de l'ADT 37, nous avons mis l'accent sur la communication : une nouvelle stratégie de communication, un nouveau slogan autour du thème du château de famille, une campagne de relations presse... En 2016, nous avons beaucoup retravaillé l'offre de médiation culturelle. Nous avons développé des visites guidées insolites ainsi que des ateliers "blason".
Enfin, nous avons ouvert les appartements privés de la famille la Motte Saint Pierre au deuxième étage. Restaurés et modernisés avec tout le confort du début du XXe siècle, c’est une plongée dans la vie de ma famille. Inspirés par l'engouement du public pour cette période, ainsi que par le succès de la série Downton Abbey, nous avons développé une visite guidée sur ce thème. "Sur les pas de Louise" emmène le visiteur dans le quotidien de la femme de chambre de Mme de la Motte Saint Pierre dans l'entre-guerre.

- Lors de l'ouverture au public, Melle de la Motte a créé la route touristique des Dames de Touraine, regroupant des châteaux comme Chenonceau. Depuis, cette association a fusionnée avec l'association des châteaux de la Loire, que vous présidez. Est-ce important pour des sites patrimoniaux et touristiques de se regrouper en réseaux ? Quels avantages en tire Montpoupon ?
Montpoupon a été dirigé par des femmes aux XVIIème et XVIIIème siècle. Chenonceau est connu comme "le château des Dames". C'est donc tout naturellement que ma tante a souhaité créer du lien entre ces sites.
L’association « Châteaux de la Loire, Vallée des Rois » a été créée en 2008 afin de regrouper dans un premier temps 50 monuments le long du fleuve Royal de la Loire allant de Nantes (44) à Gien (45). En 2009, l'association fusionne avec la Route Historique des Dames de Touraine. La vocation première de l’association est de regrouper l’offre touristique des ensembles patrimoniaux, classés ou inscrits au titre des Monuments Historiques ou labellisés « Jardins Remarquables », ouverts au publics et situés en Région Centre et Pays de Loire, dans l’entité culturelle dite Val de Loire. Aujourd’hui, l’association regroupe plus de 80 sites, un document d’appel édité à plus de 600 000 exemplaires est diffusé dans l’ensemble du Val de Loire et ses environs permettant de regrouper dans un document unique cette offre culturelle. Il permet de mieux organiser et préparer la visite, et présente la diversité de la richesse offerte le long de la Loire. Présider cette association est une manière pour moi de reprendre le flambeau de ma tante.
Pour Montpoupon, l'intérêt de cette association est la visibilité. Nous sommes un peu à l'écart de la route touristique "traditionnelle" et nous profitons de la force de communication de l'ensemble des châteaux de la Loire.

- Un petit mot sur le musée du Veneur qui occupe les communs du château ?
En 1993, nous avons réalisé notre première exposition d'art contemporain dans le pigeonnier qui fût un gros succès. Deux ans plus tard, ma tante a eu envie d'exposer sa collection de cartes postales ayant pour thème la chasse à courre. Mon rêve d'enfant était d'être conservateur du musée de Gien. Tout cela, nous a donné l'idée de montrer l'univers de la chasse, les métiers ainsi que les liens avec le monde de l'art. Nous avons décidé d'installer ce musée dans les communs du château. Pour compléter nos collections propres, je suis allé voir les différents artisans pour avoir des objets à présenter. Il nous a fallu 6 semaines pour nettoyer et 9 mois pour tout installer. Nous avons actuellement 30 salles dédiées au savoir-faire des artisans dévoués à la chasse à courre : écuries, selleries, salle Hermès, maison Deyrolle… mais aussi le logis du piqueur, cheville incontournable d’un équipage de chasse à courre, et les appartements reconstitués d’un veneur. Une magnifique collection d’œuvres d’artistes du XXe siècle, évoquant la vénerie Française et Tourangelle ainsi que les cartes postales de ma tante viennent compléter tout cela.
Merci Amaury d'avoir répondu à nos questions ! Merci également à Mathieu Bibard pour l'organisation de l'interview.
N'hésitez pas à venir visiter le château à Céré-la-Ronde (37). Ouverture du château dès le 04 février tous les jours pendant les vacances scolaires, soit jusqu'au 05 mars, puis les week-ends suivants de mars de 10h à 13h et de 14h à 17h. Ensuite, tous les jours du 1er avril au 30 septembre de 10h à 19h.

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